Banlieues : les défis d’un collège sensible

 


J'ai accompagné ce collège, parmi d'autres, pendant six ans ..

C'est un collège qui a plutôt réussi pendant six ans. Est-ce que cela peut durer davantage? En règle générale, c'est de l'ordre de cinq à sept ans. Il y a des périodes de vie comme celles-là dans les institutions. C'est une des lois de ce que j'appelle «l'institutionnel ».

Ce collège est en pleine zone sensible, à Trappes, dans le quartier « Les Merisiers ». Il s'agissait de faire, au niveau de ce collège, d'un collège sensible un collège ordinaire, citoyen.

L'idée majeure qui a présidé à la rencontre, entre les enseignants, le chef d'établissement et moi-même, c'est la violence sociale du terrain. A l'époque, en 1990-92, des groupes cagoulés envahissaient l'établissement pendant la journée, menaçaient les élèves et les enseignants, la police s'avérant et se disant incompétente. Cet établissement vivait dans un spectaculaire harcèlement quotidien. J'avais dit à la Principale, à notre première rencontre: « Pour comprendre la violence sur le terrain, il faut vivre dans un rapport étroit avec la mort ». Elle s'était étonnée. Trois ans plus tard, dans une interview, elle y revenait.

Quand je parle de rapport à la mort, cela signifie pour moi qu'il faut être là prêt à vivre dans l’angoisse de la destruction. Je fais l'hypothèse, grâce au travail que j'ai pu faire sur le terrain, qu'enseigner c'est à la fois apprendre - donc c'est une question de pédagogie - mais c'est aussi socialiser, de fait. L'établissement, en lui-même est un modèle, temporaire et fragile, de socialisation. Je prétends que la manière de s'en sortir, c'est de faire de la structure de l'établissement un apprentissage, de l'enseignement en établissement un modèle interne de socialisation.

Jacques Pain

Présentation du livre publié au éditions ESF, 1999

Banlieues: Les défis d’un collège citoyen

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