Le corps

 

Jacques Pain

In Pratiques corporelles n° 105,

« L’Expérience corporelle de la relation », 1994 ;
et « Intermed », Revue scientifique du sport méditerranéen, n° 1, 1998.




    Que faire du corps ? C’est la question qui revient plus ou moins masquée sonder les cultures, suscitant avec constance les polémiques, les évitements, les forclusions. Certains le pensent dépendant, assujetti, sous la dictée du verbe, les mêmes qui s’inquiètent des émotions, et terminent leur carrière dans l’idéologie intime des règlements intérieurs. Nous y retrouverions les intégristes éternels, et pas toujours ceux que l’on attend, parfois la théorie vaut religion en effet. Et puis certains l’exaltent, le cultivent, en font le royaume enchanté où se dénoue la pensée, où se déjoue la pédagogie, à cent lieues de l’exercice, et fabriquent des enclaves assidues et maniaques. Ils « font » du corps. D’autres tentent l’articulation, restaurent l’unité au jour le jour. Et si le corps était tout autant autre chose, du mot à mot construit au jugé, un montage de sens fondamentalement crypté, une relation, où la pensée marque et soutient son histoire ? C’est Tosquelles qui nous rappelle à la modestie, la pensée prend sur le fumier, sans doute les viscères lui tiennent-elles chaud.
    Enfin, il y a le reste du monde, qui ignore la question, sinon vit avec ? L’école se tient par là, dans ce non lieu du corps, en règle générale. L’Éducation Physique et Sportive fait ce qu’elle peut, et parfois n’arrange rien. Le corps enseignant se résume à son discours, on continue de le croire, et l’apprenant demeure enseigné à vif et à vie. Toute l’institution le veut ainsi.

De quel corps parle-t-on ?

    Fallait-il ou non introduire du corps dans les stages d’entraînement et de formation à la pédagogie institutionnelle ? Le débat date des années 70, et les liens de nos groupes avec l’école lacanienne ne facilitaient pas la chose. Quelques psychanalystes avancés s’initiaient aux mathèmes, à la recherche d’une clé, des clés, de l’inconscient, et donc du corps. Le structuralisme opérait encore. Alors, la structure faisait la loi, et la langue l’ordonnait. Le corps suivait, jusqu'à la métastase. Nos stages étaient intenses et intensifs, actifs, mais il n’y avait jamais le temps pour le corps, ou pour le jeu, ou à peine un match de volley entre deux nécessités intellectuelles. Heureusement, dans ces stages, on bougeait, on circulait, on produisait, on s’exprimait. La mise en situations était générale. Néanmoins nous nous décidâmes, alors que nous commencions à étudier la violence, à découper et à construire des espaces corps dans la trame du stage, où la mise en jeu du cadre confrontait ou proximisait stagiaires et responsables – des enseignants et des éducateurs. Ces ateliers d’expression, parfois dits ateliers émotionnels, visaient un travail sur l’angoisse de la relation de formation, au plus près du corps, avant tout par des jeux de communication, d’écriture, d’opposition, une certaine « gymnastique ». Ils se tenaient juste avant les groupes de parole, non directifs et fermés. C’est le rapport angoisse-émotion, sur lequel nous avons tant insisté depuis (3), qui règle la relation et fait l’authenticité. Nous amorcions là les Stages Violence des années 80. Ce qui compte, c’est le corps en relation, le corps de la relation. C’est la relation qui « culture » le corps.

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Le corps dans la relation pédagogique :
corps de la relation ?