Tentatives pédagogiques en collège technique

 


Une vie détériorée, écrivait-il...

Tentatives pédagogiques en CET (futurs LEP)


                                                                              Pain Jacques, Cahiers pédagogiques n° 138, Novembre 1975

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.....En 1971, je débarque au C.E.T. de C..., mais comme étudiant. Je démarre une observation, dite participante, dans la mesure où je me retrouve vite dans les équipes de travail. Car le C.E.T., sous l’impulsion du directeur et d’un inspecteur, fait des tentatives expérimentales au niveau de l’orientation (rotation des élèves dans les différents ateliers avant choix), du contrôle, des motivations et comportements des élèves, et prétend implanter en définitive le contrôle continu par unités capitalisables (sortes d’U.V, ce que pratiquent déjà une douzaine de C.E.T., et qui lui sera refusé, tardivement d’ailleurs.

A la rentrée 72, je suis nommé P.E.G. lettres à C... J’ai d’emblée toute latitude, et un horaire réduit, pour intervenir plus avant dans la vie du C.E.T. En fait, je vais plus m’attacher aux classes dont j’ai à m’occuper, qu’aux problèmes collectifs : foyer, bibliothèque, centre de documentation, analyse de l’expérience en cours. Néanmoins ce climat de recherche autorise le changement.

Cette première année je me limite, dans les classes traditionnelles, à organiser des travaux de groupe de « spécialité » : en français, mais surtout en histoire et géographie, sur les thèmes du programme, et sur la base des manuels. Dans des classes de soutien, à effectif réduit, je développe des formes embryonnaires de dynamique de groupe. Enfin, avec une professeur de mathématiques, nous prenons en charge une classe dite « pré-professionnelle » de 18 élèves, sans programme, que nous installons dans des locaux retirés du groupe scolaire.

Les travaux des petits groupes en classe se heurtent à un manque de matériel, à un manque de place, à un manque de mobilité (si sortie il y a, pourquoi tous sortir en même temps ?). Mais ils paraissent « libérer » certains élèves, bloqués par l’enseignement magistral, à partir du moment où leur initiative personnelle était sollicitée. J’alternais en fait cours et travaux de groupes. Ces cours, centrés sur des notions ou structures (grammaticales, historiques, géographiques), me posèrent progressivement problème, dans la mesure où les contrôles en démontraient la portée très éphémère. Par ailleurs j’avais abandonné l’arsenal des sanctions habituelles : colles, exclusions, avertissements, etc. au profit de la discussion systématique des situations de conflit, ce qui du reste correspondait plus à des positions spontanées de ma part qu’à des options argumentées.

Les groupes de soutien, temporaires, visaient à intégrer des élèves prétendus « retardés » au niveau moyen de leur classe d’accueil. Dans la plupart des cas, ces élèves étaient des caractériels, ou des instables, qui furent catalogués « faibles » par un professeur surchargé, désireux de réduire ses effectifs deux heures sur cinq. Ils développaient une ostensible demande de prise en charge, voire d’assistance, de caractère affectif. Après un séjour assez court de certains de ces « insupportables soutenus » dans ces groupes, où l’on dessinait, mimait, parlait beaucoup, je fus surpris par des changements remarquables de comportement. Je présume qu’il s’agissait autant d’un effet de l’institution « soutien » sur l’élève et sur le professeur (sécurisation’ et normalisation) que d’une brutale modification de la personnalité de l’élève... Et celui qui bondissait sur les tables, grimaçant et sardonique, exclu de tous les cours d’enseignement général, devint un élève comme les autres lorsque le professeur de lettres de sa classe d’accueil, le considérant comme « rattrapé », l’accueillait « in extenso ».

Avec la classe pré-professionnelle s’ouvrait à C... l’ère de la pédagogie « sauvage ». Dix-huit élèves, dont on ne savait trop que faire, dont la moitié quitterait le C.E.T. dès les seize ans l’entrée au C.E.T. s’effectue entre 14 et 16 ans). Nous avions obtenu qu’ils suivent un enseignement en atelier, pour éventuellement être admis directement en 2e année, et non refaire — stérilité bien française — une 1re année, ce qui est la loi naturelle des pré-professionnelles, ces parkings scolaires. Un « couple » (professionnel) leur assurait un enseignement en dessin industriel et dessin d’art. Outre l’éducation physique, qui fut surtout centrée sur l’expression corporelle, un autre « couple » (une P.E.G. sciences et moi) était chargé de l’enseignement général. Singulière classe, où nous avons en six mois tenté de comprendre les problèmes qui se posaient aux Portugais, à l’Algérien, à l’orphelin, au dyslexique. Jamais je n’ai ressenti comme alors cette extraordinaire mutilation scolaire, qui les avait plus que les autres encore déclassés. Un jour ils cassèrent les carreaux de leur « classe », et s’en expliquèrent très bien : nous ne sommes pas comme les autres, et puis les autres nous le disent ; et on se fout de nous ; et on nous prend pour des cons ; et on est parqués là, pour nous faire passer temps... Heureusement le directeur s’en remettait à nous. Beaucoup de discussions, des sorties dans les bois, un peu de maths, un peu de français. Les Portugais, qui n’avaient jamais dit un mot, s’emparent du magnétophone. Ils parlent, en français, et en portugais. La classe se constitue définitivement comme groupe en canardant à coups de limes usagées les draps d’une voisine. Les draps seront remboursés....

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