Le jazz comme science d’éducation

 

LA SYMBIOSE PARTIELLE, UNE DIMENSION EXISTENTIELLE DU TRANSFERT

De la vie quotidienne à l’analyse institutionnelle

Présentée et soutenue par  Cathrine de Luca-Bernier le  29 juin 2011

Jury:  Mareike Wolf-Fédida, Pierre Delion, Ginette Michaud,  Jean Oury, Jacques Pain,

Université Denis Diderot, Paris 7

                                      Catherine de Luca-Bernier (2011)



Catherine de Luca-Bernier nous livre une thèse de 377 pages, de très bonne facture, elle est en effet bien écrite, présentée, claire, elle se lit sans difficulté. C’est une thèse très documentée dans le champ qui est le sien, celui des psychoses et particulièrement des schizophrénies, avec de très nombreuses références et citations . Elle est équilibrée, et nous propose des index, une bibliographie raisonnée et une bibliographie générale. Elle se compose de 7 chapitres, une introduction, une conclusion, et d’un « journal clinique » centré sur la vie quotidienne de la « soignante » à la clinique de La Borde.

Une double trame fonde la thèse et fait fond de thèse : la trame de la psychothérapie institutionnelle, à la clinique de La Borde, et son canevas d’institutions « analysantes » ; et la trame spécifique à la candidate, soignante « bénévole », une trame transgénérationnelle articulant une éducation du regard picturale, une prédisposition « hystérique » identificatoire, et une histoire multi-linguistique (p. 278). On comprend donc d’entrée de jeu que cette thèse est singulière, comme le dit d’ailleurs la candidate « de son cas » (p.205), et qu’elle articule une connaissance affirmée de la pratique théorique qu’est la psychothérapie institutionnelle, et la conviction construite que l’accompagnement des schizophrènes s’appuie sur un registre où « l’apprivoisement » (p.31) soignant postule un risque symbiotique partiel - en fait structurant s’il reste « une dépersonnalisation contrôlée » (p.38).

La conceptualisation s’organise à partir de la thérapie des psychoses, et principalement de la « constellation » Gisela Pankow, Ginette Michaud, Jean Oury, mais aussi de Winnicott, Mélanie Klein, Searles, et Benedetti.


Les 7 chapitres suivent la logique contenue dans le titre. Il s’agît de fonder une problématique des « symbioses partielles », conceptualisation en cours d’élaboration (p.11, 173, 242, et chap.5), appuyée sur la culture voire la formation d’une « compétence existentielle » (Jean Oury) à lire les projections mentales/corporelles de l’autre, le patient (p.73, 95, 193, 247…), dans une « voie du dedans » (Pankow.Michaud, p.19, 105, 110) en quelque sorte – c’est nous qui parlons « schizo-plastique » et corporée.

La posture clinique est alors celle de la mère fusionnelle mais « consciente » ajouterions nous, « rêvant » l’enfant dans son corps vécu, recadrant partiellement la désorganisation et la dépersonnalisation psychotiques. La symbiose partielle est une métabolisation structurante, et portante au sens de Winnicott. L’accueil du transfert s’ouvre sur des visualisations (p.23) de transfert, jusqu’au corps du soignant.

Dés lors il y a bien sûr des limites cliniques à cette opération à corps ouvert – c’est nous qui parlons, et la « faillibilité » (chap.6)  du soignant est un axiome clinique. Les « passerelles psychiques » (p.179) sont étayées et « analysées » (p.263) par la psychothérapie institutionnelle tramée à La Borde, dans les institutions de la vie quotidienne, les réunions, « porteuses d’espace transitionnel » (p.257). L’analyse institutionnelle est le filet de sécurité/sûreté de la relation soignante.

Cette thèse est singulière et passionnante. Le journal de la clinicienne est riche en monographies institutionnelles, de Jean-Louis, véritable co-porteur de l’Institution La Borde, à Brémond, ou la petite Karima, à l’école. Il y a dans cette thèse une dimension littéraire « brute », dans la conjonction des lectures phénoménologiques et psychanalytiques, du moins nous le ressentons ainsi. Et ce n’est pas un hasard si quelque chose de l’ordre de « l’époché » peut ici jouer le rôle de filtre de la raison par le corps vécu, au bénéfice du circuit « soignant », disons « parapsychotique »................

                                                             


                                                                                                                        Jacques Pain (pré-rapport, extrait)