La fabrique de l’institution

 

Vers une sémiotique de l’Institutionnel.
La fabrique de l’institution à l’École de La Neuville.

Sébastien Pesce (2008)

Résumé de la thèse


Le travail de thèse évoqué ici vise à rendre compte des interactions langagières observées dans un contexte scolaire : il s’agit d’analyser des mécanismes interactionnels par lesquels le collectif produit ou aménage des « institutions », décrites comme des médiations entre l’individu, le groupe, la Loi. Le terrain considéré, l’école de la Neuville, développe un projet inspiré par la Pédagogie Institutionnelle (PI). Ce courant, théorisé notamment par Oury et Vasquez (1967), s’ancre dans la tradition des techniques Freinet, tout en développant un travail pointu d’analyse des dynamiques de groupe. Le courant de l’Analyse Institutionnelle (AI), qui englobe la PI, se caractérise par une approche critique : c’est le cas dans l’analyse des phénomènes de bureaucratisation initiée par Lapassade (1967), et poursuivie notamment par Oury (2006). La PI présente de fortes accointances avec la Pédagogie critique américaine. Les deux courants développent un intérêt particulier pour les espaces de débat, considérant que ceux-ci permettent de porter un regard réflexif sur l’Institution (l’école par exemple, pensée comme « collectif » plutôt qu’établissement), et d’aborder de manière critique les Institutions (au sens large).


Dans le cas de la PI, l’approche critique prend la forme d’une remise en question des « modèles » pédagogiques, notamment lorsqu’ils supposent l’application, sans recul réflexif, de « recettes ». Cette critique des modèles a été l’occasion pour les théoriciens de l’AI, à divers moments de l’histoire du courant, de solliciter les théories sémiotiques, notamment peirciennes : le propos était de se défaire d’une vision codique et transmissive de l’éducation, et de porter un regard théorique neuf sur des processus éducatifs qu’il fallait transformer en profondeur. Tosquelles (1962) a ainsi imaginé une « séméiologie des groupes » ; Guattari (1979) a exploré la sémiotique dans le cadre de sa schizoanalyse ; Balat, Oury et Depussé (2004) ont proposé de lire des phénomènes institutionnels au regard des concepts d’inscription et de musement, à la suite de Balat (1992) ; Oury (2001) pose la question de la « rencontre » dans l’Institution en termes de transversalité plutôt que de transfert, en s’appuyant notamment sur la notion de « tychisme » théorisée par Peirce.


La thèse en cours s’appuie à la fois sur cette dimension critique de la PI, et sur la sensibilité sémiotique qui apparaît chez ses théoriciens, pour envisager l’élaboration d’un modèle sémiotique d’analyse des situations éducatives. Un tel modèle vise à compléter des grilles psychanalytiques dominantes dans ce courant ; il doit permettre de rendre compte de la manière dont l’Institution est produite dans le langage : l’objet de la recherche n’est pas didactique. Il est constitué par des questions éducatives au sens large : gestion de la violence, rapport à la Loi, prise de responsabilité, transmission des principes de l’Institution etc.

Présentée et soutenue par Sébastien Pesce le 21 novembre 2008

  Jury:  Jacques PAIN, Huguette DESMET, Françoise GADET, Philippe MEIRIEU