La Violence dans la relation humaine

 

Les micros-cours conceptuels:

Violence et relation humaine :

le «Test» d’existence

Le 10 lignes

Nous partons de l’hypothèse que la violence est inscrite dans la première relation humaine, qu’elle participe d’une matrice de relation fondamentale, où l’on va voir s’imposer la relation « duelle », et s’organiser un jeu de relations duelles emboîtées, régressives, typique des conflits sans solution, ces conflits circulaires en écho qui émaillent les relations sociales. Nous sommes dans l’infra-conscience, dans le système complexe des mécanismes de défense plus ou moins instinctuels, eux-mêmes enracinés dans les structures pulsionnelles de survie. Si la violence fondamentale est cet état psychique où nous sélectionnons nos réponses vitales, avant même de les avoir éduquées et civilisées, il convient de se tenir en équilibre sur la ligne de crête de nos impulsions et pulsions. A partir de là nous pouvons concevoir et «traiter» la violence, les violences, les violences «institutionnelles», la «grande violence», comme attachées à un mécanisme susceptible de «rétro-corrections».

L’expérience princeps.

	L’espèce humaine est ainsi faite. A la longue, au fil de mes réflexions et de mes lectures, j’avais conçu une scène « primitive » que  j’avais appelée « L’expérience princeps, ou le mythe de la rencontre ».
« Plaçons-nous délibérément dans la mythologie de la première rencontre, dans l’imaginaire. Nous sommes au pays du fantasme. La liaison de l’homme avec sa mère, puis avec la « cellule » familiale, est telle qu’il n’identifie en rien ses proches à d’autres (ou s’en défend), au sens d’un Autre affectivement et socialement séparé. Ils participent de ses possessions, extensions, adjacences, de ses objets, dans un monde hallucinatoire clivé par des symétries de la plus grande violence.
En l’occurrence, la première rencontre avec un autre est une surprise, puis une stupéfaction ou un atterrement, sur la gamme des émotions primaires, alors étroitement limitées. Si elle n’en reste pas au déni. Car, comme le souligne Bergeret, la violence fondamentale, cette sauvagerie native et préobjectale qui nous fait vivre avant ou à côté de la langue, est le noyau « d’édification d’une identité primaire narcissique dont le principal objet demeure le sujet lui-même ». L’objet extérieur n’étant pas encore dressé, voire concevable, ajouterai-je. Le tiers, quel qu’il soit, et nous ne sommes en rien dans l’Œdipe, modèle culturel beaucoup plus tardif et élaboré, est impensable. 
Dès lors, poursuivons le mythe originaire, cette rencontre brutale frappe de plein fouet le « narcisme » - anténarcissique, selon Bergeret -  de l’homme, en ce qu’il lui renvoie en miroir une symétrie, indépassable, absolue, sous forme du double imposé et « ap-parent ». Cette irruption est non seulement éprouvante, puisqu’il s’agit de l’intrusion de l’Autre, mais angoissante, puisqu’il s’agit de la révélation progressive que je suis (aussi) un Autre pour l’autre. 
Dans un premier temps, le réflexe logique vital est de nier cette existence, ou de « l’effacer », comme on dit dans la rue, pour rompre l’insupportable symétrie. 
Dans un deuxième temps, une démarche d’assujettissement, appropriatoire et personnalisée, va se développer, visant l’établissement d’une relation affective de contrôle, de pouvoir, forçant et neutralisant par l’établissement d’une relation contrainte le danger de cette autre existence. 
Nous en sommes aux « comportementalités » matricielles de la relation humaine : la séduction, ou la menace, ou encore une habile combinaison des deux. Ce sont en effet les réponses de notre logique préœdipienne, qui est une logique du tiers exclu, disjonctive, répétitive et linéaire. Ces deux comportementalités peuvent se résorber dans l’accouplement amoureux ou amical, ou la destruction, ces interfaces de la rencontre mal barrée. D’où la puissance sociale exorciste de la sexualité ! 
À partir de cette expérience princeps nous voyons s’organiser la matrice de la rencontre fondamentale originaire : 
- c’est une épreuve angoissante, qui produit un prototype de comportement cherchant à forcer la relation par la séduction ou la menace, pour ensuite l’installer comme capture. La confrontation violente n’autorise pas l’indifférence.
- lorsque l’épreuve et l’angoisse suscitées par une situation de confrontation sont trop fortes, un comportement de sécurité est mis en place, ayant pour objectif vital une relation de capture. Avoir, ou être l’autre, à tout prix ? 
Nous entrons alors dans la négociation de la « violence foncière » subjective (Bergeret), avec toutes les variations et démultiplications que la culture et la maturation du sujet permettront ».