La part de l’engagement dans la formation, qu’il s’agisse de former ou de se former, est essentielle. Engagement dans le savoir, la parole, la voix et les techniques, engagement corporel jusque dans les maladresses. Prendre des risques, se maintenir dans un processus de création jour après jour à côté des habitudes, des habiletés, des capacités et même des compétences. Pour accompagner et parfois résister, un engagement dans le savoir est-il en effet souhaitable ? Être concerné, soi, par le savoir transmis ? Attentif à l’autre à qui l’on s’adresse ? Mireille Cifali répond à ces questions par l’affirmative. Pour un formateur sont alors dessinées l’articulation fragile entre théories et pratiques, ainsi que la place indispensable réservée à un travail éthique. C’est sur son expérience de clinicienne de la formation qu’elle s’appuie pour transmettre les valeurs à l’origine de dispositifs où penser est une joie, où se former est un surcroît d’être autant que de savoir.
Mireille Cifali, professeur honoraire de l’université de Genève, est l’auteur aux Puf du Lien éducatif : contre-jour psychanalytique (2005) ; avec Alain André, d’Écrire l’expérience (2012) ; avec Florence Giust-Desprairies et Thomas Périlleux, de Processus de création et processus cliniques (2015) et de S’engager pour accompagner (2018).
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Dans les métiers de la relation, l’impératif est aujourd’hui à la distanciation. Avec des outils, des procédures et des savoirs appliqués la relation à un autre pourrait se maîtriser, il n’y est plus question d’être touché, affecté, alors que le soin, l’éducation, l’enseignement, la formation, l’accompagnement social exigent une proximité ajustée, des paroles adressées loin des slogans et des seules bonnes intentions. Une relation professionnelle se travaille, elle oscille, sonne juste, dissone. Mireille Cifali invite à penser la qualité d’une présence qui soutient et affronte, en conservant la couleur des sentiments et la tonalité des mots prononcés. Dans une éthique professionnelle elle réserve le possible d’une rencontre qui transforme, elle engage à comprendre les attitudes qui font souffrir. Si la transformation des métiers de la relation est inéluctable, demeurent des dimensions auxquelles tenir : celle relationnelle des gestes, celle affective des paroles et des regards, et celle encore intérieure des pensées. Préserver est un mot qui cherche à prendre soin d’une transmission d’humanité.
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Chercher ses mots L’ouvrage suggère l’essentialité d’une parole fiable, dénonce l’impératif fait à la parole et analyse ce que « juger » signifie. Il met en évidence l’importance de préserver une symbolique structurant les relations, afin que la violence se transforme en mots et que le dialogue annoncé ne soit pas vain. Dialogue engagé entre les professionnels qui souhaitent collaborer. Dialogue rompu quand on vient à la décision d’exclure. Quelles sont les attitudes, les gestes et les paroles assurant une bénéfique position d’autorité, et non plus de pouvoir et d’autoritarisme ? Mireille Cifali pose un ragrad juste jusque sur les rencontres les plus rugueuses. Un tel regard se construit, c’est une victoire de chaque instant. Contre l’efficacité imposée, une qualité des gestes professionnels est requise. Transmettre revient à parler, soutenir. Le futur technologique quise dessine pour les métiers de la transmission, comme ailleurs, nécessite de réaffirmer l’importance de l’expérience des soins et du temps d’apprentissage.
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