C’est au cœur de la violence fondamentale qu’il faut situer la pratique authentique des Arts Martiaux, disons au cœur de cette violence originaire qui fonde les rapports humains. Plaçons-nous dans la puissance humaine brute, cette angoissante et latente force de destruction qui cohabite en nous en symbiose avec l’attachement aux autres. On ne peut en effet pas comprendre la fascination qu’exercent les Arts martiaux sur des générations de jeunes et de moins jeunes, de statuts sociaux très variés, si l’on n’y postule pas une recherche de la force vitale, et de son sens. De plus dans un esprit souvent ignoré de justice sociale et de rigueur. Le Bien se mesure au Mal.
Deux processus conjoints opèrent : retrouver le sens intime, de cette force « éducable » et lui conférer la vertu d’une discipline mentale. Ce ne sont jamais ou presque jamais ces belles intentions qui cristallisent le choix. Ce furent Bruce Lee, ou à présent Jet Li, la baston, le « hors limite » du corps recherché au quotidien. Les dizaines de méthodes de la voie de la main vide ouvrent une gamme infinie de romans épiques : du shotokan de Funakoshi au kyokushinkaï d’Oyama il y a une mythologie quotidienne des possibilités humaines, une mystique du destin. Aux frontières du réel. On retrouve d’ailleurs dans les sports et les activités à risques la même quête identitaire de confrontation radicale au danger, menace et prévention intégrées de la grande violence. Le karaté authentique est par élection une voie entre la vie et la mort, me disait un japonais il y a quelques années. Evidemment un occidental pourra se choquer de tels propos. Sauf s’il pense ensemble la vie et la mort, comme deux enveloppes réversibles et intégrées de l’identité humaine.
( In « Arts martiaux et sports de combat : Quels rapports avec la violence dans nos sociétés ? », revue Cultures et sociétés, sous la direction de Pascal Le Rest, L’Harmattan, 2015 )
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